90 ans de l’Union de Berne : qu’est-ce que les agences de notations peuvent apporter aux Export Credit Agencies ?
Les 90 ans de l’Union de Berne sont l’occasion de rappeler le rôle des assureurs-crédit publics, privés et des multilatéraux, ces agences qui œuvrent au service des entreprises exportatrices et contribuent directement à leur croissance et à leur rayonnement au-delà des frontières de leur pays d’origine. Mais assurer ces échanges repose en réalité sur une estimation juste et précise du risque global encouru, un travail de fond auquel les agences de notations de crédit peuvent contribuer activement. Retour sur le rôle des ECA et les défis qu’elles doivent relever avec les points de vue de trois acteurs clés : Maëlia Dufour, présidente de l’Union de Berne et Directeur des Relations Internationales chez Bpifrance Assurance Export, François David, président d’Inbonis Rating et ancien Président de Coface, et Alberto Sanchez Navalpotro, Directeur Général d’Inbonis Rating.
- Quel est le rôle des ECA et comment contribuent-elles activement au développement des entreprises ?
François David : Les Export Credit Agencies sont des assureurs-crédit : elles fournissent une garantie à une entreprise exportatrice contre le risque de non-paiement de son acheteur. Ce dernier peut, en effet, ne pas honorer son paiement pour une série de causes potentielles : des raisons politiques (par exemple une nationalisation ou une révolution) ou pour des raisons financières comme le dépôt de bilan ou une crise financière. Ainsi, dans ce cas-là, l’exportateur est remboursé de son prêt par l’ECA. Il est donc essentiel pour l’exportateur et l’assureur crédi&t d’apprécier la solidité financière du client situé à l’étranger. Comment mesurer de façon juste ce risque ? C’est précisément le rôle des équipes de spécialistes de l’assureur crédit qui s’appuient sur l’information disponible puis font une investigation poussée.
- Est-ce que l’accès à l’information de qualité est un challenge pour l’industrie des ECA et pour l’industrie en général ?
Maëlia Dufour : S’agissant des grands groupes, une information financière récente et de qualité est aisément disponible via les agences de notation ou sur le site internet de ces sociétés qui communiquent régulièrement pour être les plus transparentes possibles. En revanche, les ETI et les PME sont souvent notées par défaut par nos services en spéculative grade (en dessous de BBB-) parce qu’elles sont en général très exposées en termes de diversification de clientèle, de volatilité de l’activité et de surface financière. Nous rencontrons des difficultés à trouver des informations financières de qualité qui soient récentes pour ce type d’entreprises. Les comptes disponibles sont parfois anciens de plus de deux ans, alors que la santé financière de ce type de société, elle, peut se dégrader rapidement. La connaissance du tissu économique local est également très importante. La qualité du groupe, les actionnaires des filiales, le soutien éventuel de la maison mère en cas de difficultés, l’expérience de paiement des fournisseurs sont aussi des informations primordiales qui ne sont pas toujours accessibles !
- Dans ce cadre, quelle peut-être la valeur ajoutée d’une agence de notation de crédit pour les ECA ?
François David : Les grandes agences de notation apportent des éléments très concrets sur l’appréciation du risque pays ou complètent les analyses sur les grands corporate : cela peut nourrir le travail des experts des ECA. Mais, pour poursuivre la réflexion autour des entreprises de petite taille, je suis convaincu qu’il serait très utile aujourd’hui pour les assureurs crédit de se rapprocher des agences de notation pour PME dont les méthodologies sont agréées par l’ESMA et qui poussent très loin l’analyse financière des entreprises pour pallier le manque d’information directement disponible. Concrètement, faire appel à des agences de notation de crédit spécialisées peut être en effet une solution lorsque l’ECA ne dispose pas de toutes les compétences en interne ou qu’elle souhaite améliorer et accélérer le process d’évaluation.
- Des accords entre les ECA et les agences de notation pour PME existent-ils déjà ?
Alberto Sánchez Navalpotro : Inbonis a noué en 2023 un partenariat avec CESCE qui illustre bien cette idée. Cette ECA espagnole contribue à l’export des entreprises avec beaucoup de mandats de la part de l’Etat, mais possède, parfois, des ressources insuffisantes pour les traiter rapidement. En amont, CESCE a effectué une due diligence approfondie de notre méthodologie avant de signer avec nous cet accord. Ce dernier peut se résumer ainsi : dès lors qu’une entreprise déjà notée par Inbonis avec un cran de notation B a minima, CESCE ne procède pas à l’analyse de solvabilité et peut se concentrer seulement sur la transaction pour l’approuver ou non. Leur pipeline est ainsi agilisé ce qui leur permet de traiter davantage de demandes dans un temps plus court. Les agences de notation comme la nôtre peuvent être également un outil pour fournir des informations de qualité et enrichir less sources d’information des ECA sur ce segment à l’instar de ce qui existe déjà avec la couverture qui est donnée par les agences de notation qui s’occupent des grandes corporate.
- Quels sont les prochains défis à venir pour l’Union de Berne ? Quels sont vos objectifs à moyen terme ?
Maëlia Dufour : Le climat fait, évidemment, partie de nos grandes priorités : il s’agit désormais de développer les incitations financières pour les projets verts, décarboner nos portefeuilles et établir des stratégies climatiques pour tendre vers 0 carbone. Notre deuxième objectif est de développer la collaboration entre les membres de l’Union de Berne, notamment entre les ECA et les assureurs privés, via la réassurance ou avec les multilatéraux. De plus, nous nous attachons à faire monter en puissance les jeunes professionnels, un thème majeur : c’est l’avenir, avec à la fois la transmission du savoir des plus anciens sachants et l’accélération de leur participation active aux discussions avec leur regard propre et leur connaissance des enjeux des nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle et les outilsde digitalisation. Ils sont beaucoup plus alertes sur ces sujets là que les plus anciens. Enfin, le sujet de la croissance des PME et des ETI nous interpelle beaucoup à tel point que l’on dédie, chaque année, une réunion spécifique sur ce thème : chaque membre expose ce qu’il a pu créer de nouveau pour ce segment d’entreprises.
- Pourquoi l’export est-il un sujet important pour les PME ?
Alberto Sánchez Navalpotro : En étant en contact avec plus de 700 entreprises notées en Europe par nos services, nous avons pris conscience que l’internationalisation des PME des ETI est plus que jamais devenu un sujet critique. De façon générale, cela constitue facteur de résilience de ce tissu économique. En temps de crise, la capacité des PME notamment, à exporter est salvatrice : ce fut le cas lors de la crise de 2008. En tant qu’agence de notation européenne nous pouvons avoir un rôle clé à jouer pour soutenir la croissance commerciale de ces entreprises. La réalité des PME n’est pas retranscrite dans des données structurées, ce qui implique que les PME sont souvent écartées d’emblée par les assureurs export. Chez Inbonis, nous avons développé une méthodologie qui intègre des intangibles de manière structurée dans la notation pour refléter au plus près la réalité de la PME ou de l’ETI. Grâce à ce travail en profondeur, nous voulons permettre concrètement à ces entreprises d’accélérer leurs échanges internationaux. C’est un sujet majeur car de leur santé dépendent au fond nos économies européennes.
INBONIS Rating
INBONIS rating es la primera agencia de calificación crediticia especializada en pymes y mid-caps registrada y supervisada por la Autoridad Europea de Valores y Mercados (ESMA).En Europa, solo la agencias de rating acreditadas por ESMA pueden emitir ratings. La acreditación de ESMA permite a la agencia emitir notas de rating sobre pymes y mid-caps de cualquier sector dentro de la Unión Europea.