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October 31, 2024

Défis et transformation des secteurs automobiles français et européen

 

Le secteur de la construction automobile s’articule autour d’une multitude d’acteurs, les plus connus étant les constructeurs (ou OEM pour Original Equipment Manufacturer). On peut citer notamment les deux géants français du secteur, les groupes Stellantis (même si ce celui-ci est issu de la fusion du français PSA Peugeot-Citroën avec l’italo-américain Fiat Chrysler Automobiles) et Renault, qui ont réalisé respectivement 189 544 MEUR et 52 376 MEUR de CA dans le monde en 2023. En Europe, Volkswagen restait le principal constructeur avec 24,0% de part de marché en 2023 (contre 23,0% en 2021 et 22,9% 2022), devant Stellantis avec 18,3% en 2023 (en baisse : 22,1% en 2021, 19,7% en 2022) et Renault, dont la part de maché est stable entre 10% et 11% depuis 2021. On retrouvait ensuite deux constructeurs asiatiques, Hyundai/Kia avec 7,5% et Toyota avec 6,7%, les allemands Mercedes-Benz et BMW avec 6,2% chacun et enfin l’américain Ford avec 5,9%.

En France, les deux groupes nationaux concentrent toujours la grande majorité des modèles de véhicules particuliers neufs vendus. Au terme du mois de septembre 2024, les groupes Stellantis et Renault, à travers leurs différentes marques (Peugeot et Citroën pour le premier, Renault et Dacia pour le second), trustaient 8 des 10 premières places. C’est ensuite le groupe japonais Toyota (numéro 1 mondial en termes de ventes de véhicules particuliers en 2023) qui apparaît à la troisième place sur la période dans l’hexagone.

En Europe, Volkswagen domine le marché avec 24% de parts en 2023, tandis que Stellantis et Renault se démarquent en France, occupant 8 des 10 premières places de ventes de véhicules particuliers neufs.

Les équipementiers : piliers de la chaîne logistique

Ces constructeurs mondialisés et de taille importante s’appuient sur une chaîne d’entreprises spécialisées dans la fabrication de composants spécifiques : les équipementiers automobiles. Ils interviennent dans la fabrication de pièces détachées (comme les pare-chocs, l’éclairage, les éléments moteurs, l’habitacle, etc.) mais aussi dans les domaines de plus en plus importants de la connectivité et de l’intelligence artificielle. Ces équipementiers sont eux-mêmes divisés en plusieurs catégories selon leur position le long de la chaîne logistique : les Tier 1 (ou fournisseurs de catégorie 1) ont des relations directes avec le constructeur et fournissent, en règle générale, les principaux composants ou sous-systèmes des véhicules, tels que la suspension ou la boîte de vitesse, tandis que les Tier 2 fournissent des composants aux Tiers 1, et ainsi de suite. Cette catégorie d’acteurs est donc soumise à la demande globale et aux ventes des constructeurs automobiles (particuliers et industriels), qui représentent 80% de leurs débouchés, les 20% restants étant occupés par le marché du rechange et des véhicules d’occasion. Parmi ces équipementiers, on trouve également de nombreux acteurs majeurs et internationalisés, comme l’allemand ZF (46 627 MEUR de CA en 2023), le Canadien Magna (42 797 MUSD) ou les français Faurecia (27 248 MEUR) et Valeo (22 044 MEUR).

Globalement, la tendance a été à une forte baisse depuis le début de la crise du Covid-19, l’industrie ayant été particulièrement affectée par les problèmes logistiques causés par la pandémie, notamment des cruciaux composants électroniques et semi-conducteurs. Le nombre de véhicules particuliers vendus dans le monde avait chuté de 74,9 M en 2019 à 63,6 M en 2020 (-15,3%), puis atteint 66,2 M en 2021 (+3,6%), 66,01 M en 2022 (-0,0%), avant de remonter à 72,5 M en 2023, une hausse de près de 10% sur l’année mais qui n’a pas été suffisante pour retrouver les niveaux pré-crise. Dans l’Union Européenne, le rebond n’a pas été aussi important, les niveaux pré-Covid étant encore loin d’être rattrapés : 13,0 M de véhicules vendus en 2019 contre 10,5 M en 2023. Sur les neufs premiers mois de l’année 2024, les demandes d’immatriculations étaient proches des 8 millions d’unités, relativement stables par rapport à l’année précédente à la même période (+0,6%). Il apparaît toutefois des disparités fortes entre les différents pays de la zone, avec l’Espagne et l’Italie qui affichaient une croissance de respectivement 4,7% et 2,1% sur les neufs premiers mois de l’année, tandis que les marchés français et allemands déclinaient de respectivement 1,8% et 1%.

Défis actuels et perspectives incertaines pour l’avenir

Les professionnels et observateurs du secteur ne s’attendent pas à une année particulièrement positive, malgré une amélioration progressive de la situation d’approvisionnement en semi-conducteurs. En effet, aujourd’hui c’est surtout la demande qui semble être grevée par les problématiques de pouvoir d’achat pesant sur les ménages. Le contexte inflationniste (même si celle-ci a ralenti en 2024 par rapport en 2023) continue de peser sur le moral des consommateurs, ce qui nous laisse à penser que ces derniers pourraient reporter leur acte d’achat ou de renouvellement de véhicule. De plus, la limitation de certains types de voitures dans les centres villes (ZFE), la piétonisation, le développement des transports en commun voire la gratuité dans certaines villes (comme la métropole de Montpellier depuis 2023) ont également pour but de réduire globalement l’usage de la voiture quel que soit le type de véhicules. Il nous paraît ainsi également peu probable que les ventes de véhicules neufs ne repartent fortement à la hausse sur le court terme et ne rattrapent les niveaux historiques.

La préoccupation environnementale occupe désormais une place prépondérante dans les motivations d’achat, tout comme le prix de l’énergie, et les voitures thermiques semblent de moins en moins attractives. On a toutefois constaté un réel engouement pour les véhicules électriques, hybrides plug-in et hybrides électriques, qui ont réellement soutenu le marché de l’automobile ces dernières années. En effet, alors qu’ils ne représentaient conjointement que 5,9% du marché total des véhicules particuliers vendus en Europe en 2018, leur part s’est rapidement élevée, pour représenter en 2023 respectivement 14,6%, 7,7% et 25,8% des ventes, au détriment des véhicules à essence (35,3%) et diesel (13,6%), qui ont continué de voir leur part se réduire davantage en 2024 selon les derniers chiffres disponibles à septembre (29,8% et 10,4%).

Aides au véhicule électrique

Les ventes de véhicules électriques ou hybrides, soutenant de plus en plus le marché global, restent en partie dépendantes des différentes aides octroyées par l’état aux consommateurs. Par exemple, les conditions d’accès au bonus écologique à l’achat (différent de la prime à la conversion, cumulable), ont été durcies en 2024, avec l’inclusion d’un troisième critère d’éligibilité en fonction de la pollution liée à la production du véhicule (métaux utilisés, production d’énergie alimentant les usines, transport…), ce qui pourrait perturber le processus d’achat de certains particuliers. De plus, l’annonce récente d’une réduction de l’enveloppe globale consacrée au verdissement du parc automobile de 1 500 MEUR à 1 000 MEUR (dont les modalités exactes ne sont pas encore connus à ce stade), rend l’année 2025 encore plus incertaine, dans un marché déjà morose (-1,8% de ventes de véhicules particuliers toute motorisation en France sur les neufs premiers mois 2024). Du côté allemand, les subventions attribuées à l’achat de véhicules électriques ont été totalement coupées en décembre 2023 sur fond de restrictions budgétaires, avec des effets qui se sont fait sentir immédiatement avec une chute de 16,4 % des ventes de VE en Allemagne au cours du premier semestre 2024, participant à la baisse du marché global tous véhicules confondus (-1% sur les neufs premiers mois 2024).

Les aides gouvernementales, comme les bonus écologiques et les subventions, jouent un rôle crucial dans l’adoption des véhicules électriques.

Il s’agit toutefois d’un secteur stratégique au niveau national, avec des champions soutenus historiquement par les pouvoirs publics que sont les groupes Stellantis (ex-PSA) et Renault. Un plan de soutien composé d’aides, d’investissements et de prêts avait par exemple été mis en place en 2020, avec une enveloppe de 8 000 MEUR attribuée à la filière dans le but de la rendre plus verte et plus compétitive. En 2021, on a assisté à la création d’un fonds de soutien de 300 MEUR à destination des équipementiers. Le soutien se manifeste également de manière indirecte, notamment à travers les différentes aides disponibles pour l’achat ou la location de véhicules électriques, mêmes si ces dernières devraient être en partie réduites dans le cadre du plan d’économies présenté par le gouvernement Barnier.

Une industrie stratégique pour la France et l’Europe

L’industrie automobile est également hautement stratégique au niveau européen. Les emplois industriels automobiles directs et indirects représentent plus de 10% des emplois industriels totaux, et l’industrie génère un excédent commercial, de 90 000 MEUR pour l’Union Européenne en 2023. Dans le contexte actuel de crise de la filière et dans une optique de protection des fabricants européens, les pays membres ont donné leur accord début octobre pour la mise en œuvre de droits de douane allant jusqu’à 35% sur les voitures chinoises (dont les constructeurs sont accusés de pratiques déloyales mises en place avec le soutien du gouvernement chinois), qui s’ajouteront à une taxe de 10% déjà effective. Ceux-ci doivent entrer en vigueur au plus tard le 30 octobre prochain. Certains craignent toutefois des mesures de représailles de la part de la Chine et une potentielle guerre commerciale. C’est notamment le cas du côté de l’Allemagne (qui a voté contre cette proposition), la Chine représentant le principal marché à l’export pour ses constructeurs automobiles.

Le secteur de la construction automobile, français et européen, fait donc face à de nombreux défis (inflation, environnement réglementaire changeant, limitations d’usage de la voiture, concurrence américaine et asiatique, risques géopolitiques et de guerre commerciale) et nous pensons qu’il ne devrait pas retrouver de sitôt ses niveaux pré-COVID, malgré une demande croissante pour des véhicules moins polluants, dont l’empreinte carbone totale (matériaux, fabrication, batterie…) est toutefois loin d’être nulle.

Florian Mascioni-David

Diplômé de l’IAE Aix-Marseille en 2016, Florian a développé des compétences plurales (analyse financière et stratégique, évaluation d’entreprise, modélisation financière), au sein d’établissements financiers diversifiés (fonds d’investissement, boutique d’affaires, grandes banques ou encore Bpifrance) à la fois en France et à l’étranger. Il a intégré les équipes INBONIS en septembre 2021, et occupe aujourd’hui le poste de Lead Analyst et Approving.